Vinea Transaction

Octobre 2021

Note argumentée

 

SOMMAIRE

  • Qui sommes-nous ?
  • Pourquoi cette note ?
  • Les motivations de la loi Sempastous
  • Il n’y a pas de concentration excessive des propriétés
  • Il n’y a pas d’accaparement du foncier agricole
  • La proposition de loi Sempastous ne concerne en rien les jeunes agriculteurs
  • En 2017, le Conseil Constitutionnel a déjà censuré un premier projet de loi
  • L’impact de la proposition de loi Sempastous sur le budget de l’État
  • Le danger d’un contrôle total par des instances « juge et partie » et pas toujours sous contrôle
  • La préemption partielle et la préemption avec révision du prix :le revers du décor
  • La proposition de loi Sempastous ignore les conditions de départ à la retraite
  • Dans la précipitation, il y a une absence totale de la prise en compte de l’évolution climatique
  • Une remise en cause des bases de la propriété rurale
  • Propositions

Préambule

Vendeurs, acheteurs… Un véritable séisme se prépare dans la plus grande des discrétions si la proposition de loi n° 3853, dite loi Sempastous, est votée. In fine, c’est le principe même de la propriété foncière qui serait remis en cause. La proposition de loi « portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires », selon l’exposé officiel, ne doit surtout pas être traitée dans l’urgence, et encore moins dans la discrétion. Cette présente note vise ainsi à alerter sur les conséquences de l’adoption de la loi qui, déjà votée à l’Assemblée Nationale, passera en lecture au Sénat le 3 novembre 2021.

Qui sommes-nous ?

« Vinea Transaction est un réseau fondé en 1991, spécialisé dans le métier de la transaction de propriétés viticoles. Cette année, Vinea Transaction, aujourd’hui implanté dans huit des principaux vignobles français, célèbre donc ses trente ans d’activité dans un métier qui lui permet de collaborer avec l’ensemble des maillons de la filière viticole, dont la SAFER, un organisme dont le rôle de régulation est indispensable.

C’est cette expérience, acquise sur le terrain et au contact de tous les acteurs du marché du foncier agricole, qui donne à notre réseau le recul et la légitimité pour intervenir dans le débat concernant la proposition de loi Sempastous. Moi-même, je suis issu de la ruralité et revendique avec fierté mon appartenance au monde paysan. Je continue d’ailleurs de gérer une propriété familiale oléicole en qualité de propriétaire exploitant.

La présente note résulte ainsi d’une double connaissance du monde paysan, affective et professionnelle. Elle est partagée par l’ensemble des acteurs du réseau Vinea Transaction. »

Michel Veyrier, gérant fondateur du réseau Vinea Transaction

Pourquoi cette note ?

Depuis trente ans, nous sommes des acteurs et des observateurs du monde agricole. Or, depuis une petite décennie, nous ressentons la montée d’un « mal-être » au sein de la profession, qui s’accentue depuis le début de la crise sanitaire. L’augmentation sans précédent des règlements et normes concernant la gestion d’une exploitation et le commerce de produits agricoles crée une sensation d’étouffement. Aujourd’hui, l’encadrement est total : l’empilage des structures administratives et la multiplication des contrôles démotivent et donnent au final le pouvoir aux administrations et organismes professionnels (OPA).

Aujourd’hui, la proposition de loi Sempastous tend à mettre en place un niveau de contrôle supplémentaire en mesure de toucher ce qui confère au sacré dans le monde agricole, à savoir la question de la succession et de la transmission, autrement dit la terre et la transmission d’un patrimoine mais aussi l’identité  familiale et les liens qui la fondent. À nos yeux, la proposition de loi Sempastous ne tient pas compte des spécificités du monde agricole. Pire, elle renforcerait, si elle était votée, les difficultés du monde paysan en créant des entraves et en accentuant le sentiment de dépossession.

Les motivations de la proposition de loi Sempastous

I. « Non à la concentration des exploitations et à l’accaparement des terres agricoles. Oui au modèle d’agriculture traditionnelle et non à l’entravement à l’installation des jeunes agriculteurs. Non à l’appauvrissement des sols et à la déstabilisation de la biodiversité. Non à la disparition des agriculteurs qui conduit à la concentration et à la moindre valeur ajoutée. Oui à l’indépendance alimentaire… »

Ce texte, issu de l’exposé des motifs de la loi, pose une première question : quel est le rapport entre ces motivations louables et partagées par tous et le vote dans l’urgence d’une extension du droit de préemption de la SAFER ?

II. Les exposés justifient également le vote de la loi par la nécessité de « lutter contre la concentration excessive et l’accaparement des terres agricoles. »

Cet objectif est répété plusieurs fois. Pourtant, il n’y a aujourd’hui ni concentration excessive, ni accaparement.

Il apparait donc que le législateur amalgame et confond différentes problématiques, qui plus est dans le cadre d’une proposition de vote invoquant des mesures d’urgence. Cela pose problème.

Il n’y a pas de concentration excessive des propriétés

La proposition de loi condamne sans retenue la concentration des exploitations et l’augmentation des surfaces moyennes.

Or, la dernière enquête de l’INSEE, publiée en 2016, démontre qu’il n’y a pas de concentration excessive.

Au sein de la catégorie « Grande propriété », seules les propriétés céréalières sont en croissance. Toutes les autres familles (arboriculture, viticulture, élevage, cultures hors sol…) affichent des indicateurs en baisse.

En qualité d’opérateur du marché foncier depuis trente ans, nous savons que nombreux sont les dossiers de restructuration par regroupement qui voient les enfants préférer céder et prendre des fonctions correctement rémunérées de directeur ou de cadre d’exploitation. La concentration résulte ainsi du phénomène naturel du vieillissement des agriculteurs et de l’absence de repreneurs. Elle est cependant progressive et maitrisée.

Elle est cohérente aussi avec les spécificités de certains métiers. L’élevage, par exemple, est un secteur dans lequel on retrouve traditionnellement des petites propriétés. La concentration n’y obéit pas à des fins spéculatives mais visent à mieux structurer les exploitations dans une filière dans laquelle les contraintes et charges de travail génèrent des reconversions et des abandons. Le cheptel réclame de l’espace pour disposer d’une autonomie alimentaire.

Il n’y a pas d’accaparement du foncier agricole

Le terme accaparement, qui signifie « amasser un bien en grande quantité pour en provoquer la rareté et le revendre à un prix élevé » selon le dictionnaire, apparait cinq fois dans la proposition de loi. Mot fort, il tend à biaiser l’analyse.

La proposition de loi Sempastous considère que « l’augmentation des structures sociétaires […] aboutit à des systèmes de moindre valeur ajoutée, destructeurs d’emplois et […] de plus en plus souvent utilisés pour s’affranchir des règles ».

Si la surface moyenne d’une exploitation tend à s’agrandir, la dynamique, outre les raisons évoquées ci-dessus, s’explique par la nécessité de mutualiser les coûts pour répondre aux nouvelles normes et manières de produire, celles d’aujourd’hui et celles de demain, visant notamment à l’adaptation au changement climatique et à la préservation de l’environnement.

Cette évolution est coûteuse. Or, toutes les productions agricoles sont « encadrées », pour ne pas dire « piégées » par les prix du marché qui sont imposés aux exploitants :

  • par le marché mondial des matières premières (céréales, lait, viande…)
  • par la concurrence à moindre charge (fruits et légumes)
  • par le monopole des opérateurs de la grande distribution.

Le vin échappe quelque peu à l’encadrement des marchés : l’élasticité des prix est réelle selon les producteurs, les appellations et les circuits de commercialisation.

L’augmentation des surfaces agricoles moyennes, par le développement notamment de structures sociétaires, n’a rien à voir avec une volonté de contrôle du foncier agricole. La dynamique d’acquisitions foncières par des groupes chinois, enclenchée au début des années 2000, est à l’arrêt depuis cinq ans au moins.

Il est donc faux, à l’exception de quelques cas spécifiques, de parler de « concentration excessive des exploitations et de spéculations financières » via les structures sociétaires.

L’évolution est même indispensable si la France souhaite que nos chefs d’entreprises agricoles et viticoles puissent vivre décemment de leur métier et investir massivement dans les révolutions robotique, numérique et chimique pour relever les défis (qualité de l’alimentation, compétitivité, baisse des émissions de CO2) énumérés par le Président de la République lors de la présentation du Plan France 2030 le 12 octobre 2021. Sur la question de l’autonomie alimentaire, il est à noter qu’il s’agit d’un problème déconnecté de l’enjeu foncier puisque les agriculteurs qui exportent leurs productions ne le font pas directement pour la plupart mais via une coopérative ou le négoce.

 

vaches

Le développement des structures sociétaires ne s’inscrit pas dans une démarche spéculative : il s’agit bien d’une évolution logique visant à remplacer les propriétés en nom propre par des propriétés en société qui ont l’avantage de protéger le patrimoine privé en le séparant du patrimoine professionnel. Les structures sociétaires, qui facilitent en outre la bonne gouvernance de l’exploitation en matière de gestion des amortissements, des charges sociales et de l’impôt sur les sociétés, n’ont en aucun cas été créées avec la volonté de « détourner » le droit de préemption SAFER : elles représentent un outil pertinent de transmission familiale et intergénérationnelle ainsi qu’un outil permettant d’approcher la viabilité.

La proposition de loi est d’autant plus provocatrice que le législateur abuse volontiers de formulations inexactes mais spectaculaires, se faisant fort par exemple de « lutter contre la disparition des agriculteurs au profit de schémas contrôlés par des firmes ».

La diabolisation des structures sociétaires est absolument incompréhensible. Nous aimerions pouvoir donner rendez-vous dans dix ans au législateur afin qu’il se rende compte par lui-même que la plupart des agriculteurs issu de notre tradition paysanne ont naturellement opté pour une structure de type sociétaire !

La proposition de loi Sempastous ne concerne en rien les jeunes agriculteurs

Les dispositions de la loi ne protègent en rien les jeunes agriculteurs. Les cessions de parts concernent les propriétés prises dans leur globalité, accessibles seulement aux agriculteurs capables de les assumer au niveau financier.

Il serait même contre-productif de rechercher à tout prix l’installation de jeunes agriculteurs ou de candidats à l’exploitation sur des domaines significatifs, eu égard aux contraintes économiques et aux problématiques d’endettement.

En 2017, le Conseil Constitutionnel a déjà censuré un premier projet de loi

Concernant la mise sous contrôle total du marché du foncier agricole, il est utile de rappeler qu’un premier projet de loi a été censuré par le Conseil Constitutionnel le 16 mars 2017, celui-ci ayant estimé que l’intervention par préemption de structures sociétaires agricoles ne permet absolument pas de remplir l’objectif d’installation.

En vérité, les vrais enjeux de l’installation concernent le statut du fermage. Aujourd’hui, de très nombreuses surfaces ne sont pas exploitées dans notre pays car les propriétaires refusent tout fermage, en raison des engagements irréversibles liés au statut. Un des vrais débats de l’installation devrait porter sur une réforme profonde dudit statut afin de libérer du foncier, de stabiliser ainsi les prix et donc de permettre l’installation de jeunes agriculteurs.

 

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L’impact de la proposition de loi Sempastous sur le budget de l’État

Pas de langue de bois, l’enjeu de la proposition de loi Sempastous est également financier. C’est la question de la transaction des grands domaines (qui sont quasiment tous gérés en structures sociétaires familiales), qui est la cible de la proposition de loi.

Aujourd’hui, l’intervention de la SAFER génère mécaniquement une exonération totale des droits d’enregistrement. C’est une perte sèche pour l’État, les collectivités locales et l’intérêt général puisque les droits d’enregistrement abondent différents programmes de préservation de l’environnement.

Les droits étant de 5,9 %, il est aisé d’évaluer le niveau de pertes pour l’État et de gains pour la SAFER dans le cas d’une transaction de plusieurs millions d’euros !
Mais ici, nous sommes très loin de la défense des intérêts des jeunes agriculteurs ou de l’accaparement des terres !

Le danger d’un contrôle total par des instances « juge et partie » mais pas toujours sous contrôle

La proposition de loi Sempastous est non seulement inutile mais aussi dangereuse.

Si elle était adoptée, elle créerait de l’opacité et même du conflit d’intérêts. Avec la proposition de loi Sempastous, il suffit en effet à la SAFER de s’opposer à toute opération pour proposer ses services.

Or, la SAFER souffre aujourd’hui de son mode de fonctionnement. Tant que les commissions d’attribution ne seront pas publiques, la crainte du copinage et du clientélisme continuera d’entacher ses décisions.

Le danger est donc réel pour l’équité et le développement économique du monde rural. Il n’y a aucun secteur d’activité dans lequel le régulateur, qui plus est de droit privé, est également l’opérateur exclusif du marché. Ce serait une triste première mondiale !

Notre volonté est d’alerter les vendeurs et les acheteurs de la nouvelle donne qui se prépare. Avec la proposition de loi Sempastous, dès lors qu’une transaction concernera un bien en structure sociétaire, elle sera soumise à la SAFER qui donnera avis pour validation par les services du Préfet de région dans des délais pouvant aller jusqu’à six mois … Une éternité alors que les délais actuels sont de deux mois pour la SAFER et de quatre mois pour la commission des structures. Ces nouveaux délais seront incompatibles avec les contraintes d’exploitation et la nécessité de transmettre dans de bonnes conditions techniques.

De surcroit, le droit de la SAFER primera sur celui des associés de chaque structure détenant de près ou de loin du foncier.

 

Propriété viticole à vendre - Vallée du Rhone - 2100CDR

La préemption partielle et la préemption avec révision du prix : le revers du décor

Au travers du droit de préemption élargi aux cessions de part, la SAFER pourra, de plein droit, activer deux armes redoutables : la préemption partielle du bien et la préemption avec révision du prix.

Autrement dit, la boîte de Pandore sera grande ouverte.

Le démantèlement de domaines familiaux construits durant plusieurs générations pourra s’opérer de droit avec des attributions éclatées. Une SAFER du sud de la France a doublé, en 2020, le nombre de dossiers de préemption partielle ! Nous sommes très loin de la vocation première de la SAFER qui portait sur le remembrement.

Pour les structures sociétaires, le prix pourra facilement être remis en cause puisque la valeur incorporelle d’une marque ou d’un fonds n’est pas objectivement reconnue, d’autant qu’il n’y a pas d’abaques officiels.

La préemption des parts des sociétés peut entraîner la remise en cause du prix, principalement pour la catégorie des propriétés viticoles dont la valeur du fonds agricole, de la marque, de la clientèle et des stocks sont des éléments prépondérants dans la valeur de cession. La même SAFER du sud de la France annonce d’ailleurs que 42 % des dossiers de préemption en 2020 l’ont été avec révision du prix.

Vendeurs et acheteurs devront s’en remettre sans marge de discussion ou de négociation réelle avec, en sus, des délais administratifs incompatibles avec la vie économique d’un domaine.

La liberté de vendre au sein d’un membre de la famille est menacée
En sus de la révision du prix et de la préemption partielle, même la liberté de vendre à la « famille » va être réduite puisque la loi va autoriser une préemption après le troisième rang, ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant.

Propriété viticole - Vallée du Rhône

La proposition de loi Sempastous ignore les conditions de départ à la retraite

La préemption permet d’ignorer le travail de tout une vie puisque le prix de cession est contestable. La préemption des titres soulève la validation des prix et l’éventuel éclatement du bien. Le risque d’une remise en cause du travail de tout une vie devient réel. Lors d’une vente, l’agriculteur se sert du patrimoine soit pour rendre liquide son héritage, soit pour compléter sa retraite. Très souvent, le fruit de la vente, c’est la cagnotte pour la retraite !

Dans la précipitation, il y a une absence totale de la prise en compte de l’évolution climatique

Tout acquéreur, qu’il soit vigneron ou non, va perdre sa liberté d’entreprendre pour de très longues années.

En effet, la proposition de loi Sempastous prévoit « le renforcement des cahiers des charges autorisant l’attribution avec des durées pouvant aller de 10 à 30 ans », soit largement au-delà des dispositifs actuels.

Quoi de plus coercitif que d’enfermer un projet professionnel sur une telle durée dans des contextes économiques et climatiques de plus en plus incertains !

Nulle part dans la proposition de loi n’est évoqué la question de l’adaptation au changement climatique et la nécessité de pouvoir gérer des propriétés avec souplesse et agilité.

Une remise en cause des bases de la propriété rurale

Le contrôle déjà existant via la SAFER et la commission des structures relevant des DDTM est déjà l’un des plus forts au monde.

Or, le rapport de présentation de la proposition de loi s’achève par les deux phrases suivantes :

« L’ambition de ce texte est de faciliter l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. »

Quid des commissions d’attributions publiques, les seules pourtant permettant d’assurer la transparence et l’équité ?

« Si ces mesures ne prétendent pas à l’exhaustivité, elles constituent le premier volet d’une réforme foncière plus globale. »

Ce passage est très inquiétant pour le titre de propriété car il n’existera plus une seule « parcelle » de liberté sur le marché du foncier. Exploiter, céder, acheter, valoriser le travail de toute une vie… Toutes ces étapes seront totalement sous contrôle ou soumises à autorisation.

En conclusion

Posons donc la plume, arrêtons de travailler dans la précipitation et réécrivons la proposition de loi dans le respect des intérêts de la filière qui ne passent pas par la mise en place de verrous totalitaires, discutables et contestables.

N’oublions pas que les exploitations agricoles en France sont plurielles, différentes et qu’il faut préserver cette biodiversité plutôt de les forcer à rentrer dans un moule unique.

N’oublions pas le risque que fait encourir cette proposition de loui, celui de l’aliénation du titre de propriété, de la liberté de s’associer et de la liberté de vendre.

PROPOSITIONS

L’urgence dans laquelle cette proposition est débattue a peut-être à voir avec le calendrier électoral. Les élections présidentielles approchent…
Mais la proposition de loi Sempastous est grave et elle aurait des conséquences majeures. La précipitation du législateur est de mise, les arguments utilisés sont déformés, amplifiés et orientés. La réalité de la situation est totalement travestie.
La proposition elle-même est dans la contradiction la plus totale puisqu’elle porte sur la nécessité de mettre en place des mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole. Or, ce marché est déjà sous contrôle : ce qui pourrait « échapper » à la SAFER est sous les « radars » des commissions
d’exploiter (DDTM) qui assument parfaitement leur rôle d’organisme de contrôle au service de l’État.

Amendons le projet
Le projet dans son titre 1, art.1
crée des contraintes supplémentaires qui vont à l’encontre de l’intérêt de l’exploitation et de sa viabilité en abaissant les seuils d’agrandissement pour artificiellement imposer des unités plus petites.
La notion nouvelle de « seuil d’agrandissement pouvant être considéré comme significatif » apparait. Le concept flou d’un « agrandissement significatif » génère des risques de confusion et de compréhension. La proposition de loi laisse de côté les entreprises familiales agricoles de taille moyenne en empêchant
leur croissance. Or, ce sont ces structures qui, comme les autres, doivent avoir le droit de croître et de contribuer à répondre aux défis qui nous attendent.

Qui peut objectivement définir un seuil objectif de surface et déclarer qu’un agrandissement est significatif ?

L’article 2 de la proposition de loi introduit « un cahier des charges à définir ultérieurement dans un décret à venir. » Or, ce cahier des charges peut être totalement contre-productif et ingérable. Il engage pour dix à trente ans le repreneur dans des obligations à ce jour non définies (cf. décret à venir). Comment
peut-on imposer des obligations à un repreneur sur de si longues échéances et dans un contexte agricole soumis encore plus qu’avant à des aléas économiques et climatiques non prévisibles ?

S’engager dans une feuille de route qui est une page blanche est suicidaire.

L’article 5 prévoit des délais ouverts à l’autorité préfectorale pouvant aller jusqu’à six mois alors que l’instruction d’un dossier directement pris en main par la SAFER peut être ramenée à quinze jours. La proposition de loi prévoit explicitement un dispositif d’exception du contrôle des structures pour les opérations dans lesquelles intervient la SAFER.
Il y a un déséquilibre total sur le traitement qui ne peut qu’inciter les acquéreurs comme les vendeurs à recourir aux services de la SAFER, d’autant que celle-ci est exonérée de toute demande d’autorisation d’exploiter pour ses attributaires.

De fait, l’article est totalement discriminatoire.

Proposons les amendements suivants :
– l’établissement d’une distinction reconnue entre la valeur d’une terre isolée, sur laquelle, en cas de cession la SAFER pourra toujours jouer son rôle de régulateur du marché afin d’éviter les concentrations, et la cession d’une propriété entière dont la valeur ne saurait être l’agrégation de différentes valeurs foncières.
En effet, la situation actuelle conduit trop souvent vendeurs et acquéreurs à faire des ventilations de prix qui voient « flamber » les valeurs du bâti, des stocks, et ce, dans le seul but de contenir les valeurs des terres.
– l’officialisation de deux catégories de prix pour obtenir un marché « apaisé » dans lequel chaque acteur, dont la SAFER, jouera le rôle qui est le sien.